Le shochu débarque enfin en France ! Et de la plus belles des manières lors d’un événement organisé par Louis Robuchon-Abe, président de Japan Exquise, société spécialisée dans l’importation et la distribution de sakés et Masashiro Saito. Avec pour invités de très nombreux producteurs de shochu de la préfecture de Kagoshima, une préfecture située à l’extrême sud du Japon sur l’île du Kyushu, principale productrice de cet alcool.
Mais le shochu, c’est quoi ?
Si le whisky au Japon est très connu, mais a une histoire récente d’environ une centaine d’années, il existait une production de spiritueux au Japon avec une très longue histoire. Contrairement à la bière ou au whisky qui est une céréale maltée et fermentée, le shochu est une boisson alcoolisée distillé où il n’y a pas de phénomène de maltage.
Il existe plusieurs types de shochu, des shochu industriels des kôrui qui sont distillés dans des alambics en colonnes, et des shochu artisanaux, des honkaku qui ne sont distillés qu’en une seule passe. Contrairement au soju coréen où des additifs sont autorisés et ou l’aromatisation est possible, la production de shochu est beaucoup plus encadrée au Japon.
Le Japon a obtenu une indication géographique à l’échelle nationale pour sa production de nihonshu ou seishu.
Traditionnellement, dans le sud, on produisait très peu de sakés pour une simple et bonne raison : le climat subtropical très chaud n’était pas adéquat pour les fermentations qui étaient plus compliquées à réaliser.
Si le nihonshu doit être produit dans un environnement froid, le shochu peut être produit dans un environnement plus chaud.
Quatre appellations géographiques
20 ans avant le saké, il existait quatre appellations géographiques pour le shochu
Iki Shochu : Une île au sud de Nagasaki qui produit un shochu de blé.
Kuma Shochu : Au sud de Nagasaki et au nord de Kagoshima, qui produit le shochu de Kumamoto.
Awamori : L’ancien royaume de Ryukyu qui a été intégré définitivement au Japon en 1879 mais qui était déjà envahi par les seigneurs de Kagoshima en 1623 qui produit un alcool qui est très différent du shochu et qui aujourd’hui est classé à part : il n’y a pas de pied de cuve,il s’agit d’une fermentation directe, et le riz n’est pas du riz japonais mais du riz indica venant de Thaïlande
Satsuma Shochu : Le shochu de pomme de terre de Kagoshima.
Il existe aussi une autre appellation qui n’est pas officiellement reconnue : le Kokuto Shochu, un shochu de canne à sucre réalisé avec des pains de sucre exclusif à l’archipel des îles d’Amami dans la préfecture de Kagoshima.
Pour être considéré comme un shochu artisanal (honkaku), le shochu doit être distillé en une seule passe (tachiki kyanku). Il doit titrer à moins de 45% au moment de la commercialisation. Les cinq matières premières autorisées sont : le blé, le riz, la patate douce, la canne à sucre, le seigle. Lors de la seconde fermentation, on peut ajouter l’un des 49 plantes autorisées qui permettent d’obtenir des profils aromatiques uniques.
Préparation du kôji
Les premières étapes sont très proches de la production de saké : il est nécessaire de créer un pied de cuve qui va permettra la prolifération de champignons qui n’auront qu’une seule envie une fois mis en contact avec la matière première : transformer l’amidon en sucres fermentescibles qui seront à même d’être transformés en alcool lors d’une seconde fermentation.
S’il est tout à fait possible de créer un pied de cuve avec du blé ou des patates douces, une grande partie des producteurs préfèrent utiliser le même système pour que le saké et utiliser du riz. Dans un premier temps, le riz est lavé puis ensuite trempé. Il est enfin cuit pour obtenir un bon niveau d’hydratation.
On passe ensuite à l’ensemencement du riz par des kôji kin des champignons) qui vont proliférer sur le riz.
Le kôji jaune est généralement utilisé pour simplifier les sucres et les rendre fermentescibles pour que la levure transforme les sucres en alcool. Pour le shochu, il est préférable d’utiliser le kôji noir développé à Okinawa ou le kôji blanc qui est une mutation naturelle du kôji noir et qui a plutôt une couleur marron. La particularité de ces deux kôji est de produire de l’acide citrique, ce qui permet d’éviter les contaminations microbiennes ou bactériennes et ainsi produire une dose d’alcool suffisante et des profils aromatiques plaisants.
Une fois que le pied de cuve est créé, on peut enfin lancer la première fermentation.
Première fermentation
Une fois que le kôji est complètement répandu dans le riz, le kôji est prêt. L’eau et la levure sont mélangées avec elle pour créer le mash. Le kôji est saturé en glucose, de sorte que la levure peut rapidement produire de l’alcool. En fonction de la taille de la distillerie, cette fermentation débutera dans des pots en terre cuite, souvent enterrés jusqu’au fond du puits de la distillerie pour aider à stabiliser la température, ou dans de grandes cuves en métal. La plupart des grandes entreprises ont opté pour l’acier inoxydable car il est plus économique en termes de maintenance et de main-d’œuvre. Cette étape limitée de la fermentation aide la levure à se réchauffer avant l’ajout de l’ingrédient principal dans la phase de fermentation suivante. La purée fermentée (moromi) est brassée fréquemment pendant cinq à huit jours.
Alors que la première fermentation est en train de se terminer, les ouvriers de la distillerie préparent les patates douces fraîchement récoltées qui doivent être lavées puis nettoyées de leurs imperfections, un processus qui doit être obligatoirement fait à la main car impossible à automatiser.
Une fois que les pommes de terre ont été débarrassées de leurs imperfections, elles se dirigent vers le tambour à vapeur pour un bon bain chaud. Les pommes de terre cuites à la vapeur sont ensuite transportées vers la déchiqueteuse qui les coupe en morceaux.
Deuxième fermentation
Maintenant que les spores de moisissure et la levure ont pris une longueur d’avance et se sont multipliées énormément, ils peuvent facilement supporter la charge énorme de patates douces écrasées, ajoutées à beaucoup plus d’eau. Il s’agit de la deuxième étape de la fermentation et la plupart des distillateurs utilisent environ cinq fois plus de pommes de terre hachées que la quantité de riz utilisée pour créer le mash de démarrage à l’étape précédente.
Dans les grandes distilleries, la deuxième étape de la fermentation se déroule dans de grandes cuves pendant huit à dix jours. Dans les plus petites, le mash est divisé en plusieurs pots avant l’ajout d’eau et de pommes de terre supplémentaires.
Ce qui est très spécifique, c’est que les moûts fermentés possèdent très peu d’eau avec une forte proportion de sucre, ce qui permet d’envisager des hauts niveaux d’alcool. Si aujourd’hui dans le vin, on sait faire des choses qui montent jusqu’à 18°, au Japon, on arrive à faire des fermentations alcooliques qui titrent entre 16 et 20° en fonction des matières premières et de la viscosité. Les levures sont aussi adaptée pour travailler avec une très forte concentration el alcool.
Distillation
Une fois la fermentation terminée, le distillateur a plusieurs choix quant à la manière de procéder. Le moût est pompé dans un alambic pour la production du produit final. Le principal est identique au whisky : on chauffe très fort le moût pour produire des vapeurs d’alcool qui vont ensuite passer dans un circuit de refroidissement qui va les condenser. Au niveau de la mer, l’alcool pur (éthanol) bout à un peu moins de 78 degrés celsius, de sorte que la vapeur résultante contiendra une concentration d’alcool plus forte que le moromi chauffé au fond du pot (car l’eau bouillant à 100°C sera encore à l’état liquide).
Il est aussi possible de réaliser une distillation à pression réduite autour de 60 70 degrés ou d’assembler des produits pour avoir les avantages des deux procédés.
Contrairement au whisky ou au shochu industriel, une seule distillation est autorisée pour pouvoir obtenir le label honkaku. Il y a très peu de méthanol dans la production de shochu, les têtes ne sont donc pas dangereuses. On obtient un au final distillat qui titre à 45 degrés.
Vieillissement
Selon les producteurs, un vieillissement est possible . Les potentiels de vieillissement est très important et est réalisé soit dans des jarres, soit dans des barriques de chêne américain soit dans de gigantesques cuves. On le stocke en jarres ou en cuves dans le cas de distillations atmosphériques qui sont beaucoup plus huileuses. Au fil du temps des agrégats gras se forment et doivent être écumés. Dans ce type d’utilisation, on cherche des arômes contrairement au shochu industriel qui cherche à masquer tout type d’arôme.
Avant la mise en bouteille
La dilution
Avant de se retrouver dans une bouteille, le shochu peut subir un mélange (comme les blends whisky) pour marier différents types d’arômes, assurer la cohérence des goûts, et baisser le niveau d’alcool. De l’eau est ajoutée au shochu pour ramener le niveau d’alcool entre 20 et 25%. Certains producteurs conservent aussi pour certaines cuvées le niveau d’alcool.
La filtration
Comme pour tout brassage ou distillation, reste l’étape de la filtration, ce qui permet d’affiner davantage la saveur du produit en bouteille. En fonction du substrat ou de la méthode utilisée, la filtration est conçue pour éliminer les impuretés, les défauts de goût, le trouble froid ou la couleur. Il est aussi possible de trouver des shochu non filtrés.
La mise en bouteille
Vient ensuite la dernière étape : la mise en bouteille dans des récipients de 720 ml ou 1800 ml et le shochu est prêt à être dégusté !
Pour continuer les shochus de Kagoshima
Un peu d’histoire (1/4)
C’est quoi le shochu ? (2/4)
Les shochu de Kagoshima (3/4)
Comment boire le shochu (4/4)
Pour découvrir les produits de Kagoshima
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