Pourriez-vous revenir sur l’origine de ce projet ?
Gilles Oriol : Au départ, il y a un homme, Akira Sakamoto, le CEO de gram3 inc. crée en 2005, qui est un vrai amoureux de la France. Il a fait non seulement ses études dans une école française au Japon mais a continué de parfaire sa culture française en France. En 2016, il a créé le Groupe de communication franco-japonais, avec l’ouverture de la filiale à Paris, très impliqué dans l’art de vivre. C’est avant tout un homme de réseau avec de nombreux contacts et qui a découvert l’excellence des produits et la chaleur des hommes de Niigata lors d’une visite dans la région. C’est là, qu’il est tombé littéralement amoureux de cette région. Quand j’ai rejoint le groupe en 2017, nous avons commencé à réfléchir sur les opportunités de faire découvrir les produits de Niigata aux Français. Si au Japon, la préfecture de Niigata est connue comme « berceau du saké », elle est peu connue en dehors de l’archipel. De plus, le marché du saké est en déclin au Japon car les jeunes générations préfèrent se tourner vers d’autres alcools, notamment le vin ou la bière. gram3 inc. étant un groupe implanté en France et au Japon, c’était naturel pour nous de présenter les meilleurs produits japonais à un public français. Nous avons finalement opté pour un lieu prestigieux sur la rive gauche afin de toucher une clientèle aisée et curieuse qui serait à même d’apprécier et de faire rayonner les produits de la préfecture de Niigata.
Quelle est la place de Niigata dans l’agriculture japonaise ?
C’est une région très tournée vers l’agriculture. Elle est notamment la plus importante région productrice de riz avec pas moins de 611 000 tonnes de riz par an, devant Hokkaido qui est une région beaucoup plus vaste. C’est aussi une région très riche en saké avec pas moins de 90 producteurs.
Quelles sont les valeurs portées par Kinasé ?
Avant tout, l’authenticité. Nous voulions que la personne qui pousse les portes de Kinasé retrouve l’authenticité des matériaux et des produits. Les matériaux avec un travail de l’architecte Eloise Bosredon qui a utilisé de la pierre, du bois et de la paille (c’était un matériau utilisé pour se protéger durant l’hiver du froid très dur de cette région). Les produits avec un choix de petits producteurs qui détiennent un savoir – vieux de plusieurs générations – et qui réalisent des produits de haute qualité.
La création de Kinasé montre un investissement fort. Quels sont les développements envisagés ?
Nous sommes la seule boutique en dehors du Japon dédiée à la région de Niigata, ce que les Japonais appellent des « antenna-shops ». Jusqu’à 2018, en termes d’exportation, la région de Niigata était plutôt tournée vers la Chine et Hong Kong mais la situation géopolitique actuelle avec les tensions entre la Chine et les États-Unis rend l’Europe plus attractive. Certes, la situation est moins facile pour des raisons évidentes de transport, de décalage horaire et culturel. Nous avons donc passé beaucoup de temps à expliquer comment les Français consomment, quelle est la place actuelle du saké en France. Nous avons dû faire un long travail d’éducation auprès des autorités de Niigata et des producteurs pour qu’ils comprennent ce que nous voulions mettre en place. D’autres projets sont à l’étude avec des développements de boutiques en Europe dans un second temps. Enfin, la France était une évidence : la culture gastronomique française est une référence mondiale et les deux pays partagent beaucoup de valeurs sur la recherche de l’excellence gastronomique.
La gastronomie française et le saké semblent être à un tournant en France…
Beaucoup de chefs français possèdent leur restaurant au Japon tandis que de nombreux chefs japonais viennent travailler en France. Si auparavant le premier marché pour le saké était l’Angleterre (ils sont plus ouverts en termes de produits car ne sont pas producteurs de vins), c’est le marché français qui croît le plus en termes de valeur. C’est un marché où le consommateur investit des sommes importantes dans l’alimentation en générale. Il y a aussi une vraie curiosité sur les sakés haut de gammes. Les chefs français jouent le jeu en jouant le rôle d’ambassadeurs. L’année dernière, nous avons eu le soutien de Guy Martin le chef du Grand Véfour qui nous a aidé à créer des plats accompagnés de saké de Niigata à travers deux évènements. Tout d’abord, en juin 2017 à Paris où nous avons organisé un dîner gastronomique avec un mariage mets et saké. Puis en mars 2018, il s’est déplacé à Niigata afin d’organiser un dîner de gala pour 200 personnes avec des produits typiquement français (foie gras par exemple) accompagnés de sakés régionaux.
Kinasé est un outil de promotion des produits de la préfecture de Niigata centrés autour de la gastronomie. Quelles sont les attentes du projet ?
Le but est de promouvoir la région de Niigata sous toutes ses formes. Son riz, son saké, son artisanat mais également ses paysages, ses îles, ses spectacles afin de convaincre les Français qu’au Japon, il y a autre chose que Tokyo et Kyoto. La préfecture de Niigata est à deux heures de Tokyo de Shinkansen et on peut y découvrir des choses merveilleuses. Et pour les personnes qui aiment le saké, il y a aussi Sado une île volcanique extraordinaire à une heure de bateau de Niigata qui produit des sakés magnifiques.
Kinasé est destinée aux particuliers. Pourquoi ce choix ?
C’était très important d’avoir une boutique dédiée aux particuliers pour deux raisons. La première était d’avoir une vitrine pour présenter les produits au public et de montrer aux distributeurs notre engagement sur le long terme. Ce qui nous a permis de préparer l’arrivée des sakés de Niigata au Bon Marché qui va proposer une sélection de 7 sakés dans les deux magasins rue de Sèvres et rue de Passy dès le mois de novembre. La seconde raison est d’apprendre de nos consommateurs et de s’adapter à leurs goûts. C’est très intéressant pour la construction de notre offre de savoir quels sakés sont les plus appréciés. Nous avons aussi des demandes particulières comme les produits avec du yuzu, des sakés pétillants. C’est un véritable laboratoire qui est très enrichissant.
D’autres accompagnements sont-ils prévus ?
Des négociations sont en cours avec la distribution, nous avons été présents sur le salon du saké qui a été un très bel évènement et qui nous a permis de nous faire connaître. Nous sommes en train de travailler sur des ateliers qui auront lieu à Kinasé sur une base mensuelle et qui permettront de traiter des thématiques comme les accords saké / chocolat ou saké / fromages. Ils sont destinés à un petit comité d’une dizaine de personnes. Nous serons aussi présents à l’occasion de la route du Rhum avec un restaurateur breton qui présente les accords entre le saké et les huîtres.
Quelle est la typologie de vos clients ?
80% de Français avec beaucoup de gens du quartier qui reviennent. 15% de Japonais et 5% de touristes. Les 15% de Japonais sont extrêmement importants pour nous car c’est eux qui vont faire la réputation de la boutique et qui vont en valider l’authenticité. Ce seront les ambassadeurs de Kinasé.
Comment avez-vous travaillé votre offre ?
Nous avons travaillé sur une gamme assez large d’environ 150 références au total. Une quarantaine de sakés dont 8 à 10 travaillés pour la distribution. Nous proposons aussi l’un des meilleurs riz et du thé sera en vente d’ici la fin d’année. Le marché est segmenté de manière assez nette : soit les clients découvrent l’univers du saké et vont plutôt opter pour une entrée de gamme, soit pour des clients plus aisés et passionnés le choix se portera sur des sakés haut de gamme. Nous avons aussi adapté notre présentation et utilisons des termes que des amateurs de vin peuvent comprendre. Il est important que ce travail de pédagogie et d’éducation soit réalisé pour une meilleure compréhension et appréciation des richesses de la région de Niigata.